samedi 4 mars 2017

JE SUIS UN POIDS PLUME, une pièce écrite et jouée par Stéphanie Blanchoud

Photo Johannes Vandevoorde
J'aime cette jeune comédienne qui s'implique à fond dans chaque défi qu'elle se donne, en tant que comédienne ou musicienne. Nous avons accompagné ses premiers pas d'auteure. Quelques années plus tard, nous sortons deux nouvelles pièces, dont JE SUIS UN POIDS PLUME, pièce qu'elle vient de créer ce vendredi au Théâtre des Martyrs à Bruxelles. Avec bonheur.
Dans un récit sans doute partiellement autobiographique, elle nous plonge dans l'intimité d'une jeune femme profondément perturbée par une rupture difficile. Les hasards de la vie l'amènent à découvrir que la boxe peut l'aider à ne pas sombrer, voire à redresser la tête et à faire face à ce qui lui arrive.
Alternant les mono-dialogues avec l'autre qui refait peu à peu sa vie, les récits intérieurs et les séances d'entraînement, elle parvient à faire mouche à tous les coups, avec des mots arrachés, des silences profondément habités, et surtout un travail physique époustouflant !
Une petit heure d'émotion et de bonheur dont on sort la tête haute et des étoiles dans les yeux.

La pièce Je suis un poids plume de Stéphanie Blanchoud se joue du 3 mars au 1er avril 2017 au Théâtre des Martyrs à Bruxelles. Avec Stéphanie Blanchoud et la participation de Ben Messaoud Hassen. Mise en scène : Daphné D'Heur. Scénographie : Maud Grommen. Création lumière : Benoît Theron. Création sonore : Pierre Slinckx. Coach : Ben Messaoud Hassen. Régie : Justine Hautenauve. Assistanat à la mise en scène : Antoine Motte dit Falisse.
Production : Tatou Asbl  / Wild Productions. Avec le soutien du CCN / Théâtre du Pommier - Neufchâtel et de l'Infini théâtre, Bruxelles.

Texte publié chez Lansman Editeur / Emile&Cie - 36 pages, 10 euros - ISBN 978-8071-0136-4

dimanche 18 décembre 2016

QUIMPER 2016 - Festival A tout âge - 8 spectacles jeunes publics

TOUR DE MAIN (Cie Éclats / Sophie Grellé) - 6 mois et plus

Une caisse, deux mains, dix gobelets gigognes, il n'en faut pas plus pour inviter des tout petits à s'aventurer au pays des stimuli visuels et sonores. Avec le risque évidemment de les voir répondre à cette provocation par l'incontournable envie de rejoindre le comédien et de briser le 4e mur, transformant du même coup le spectacle en animation ludique.

Lors de la représentation, les comportements sont divers et ne répondent pas forcément à l'échelle des âges. On sent chez certains petits bouts une capacité à faire travailler leur imaginaire à partir de ces stimuli et à en tirer plaisir. Et chez d'autres, parfois plus grands, au contraire l'incapacité de résister à l'envie de s'approcher, de toucher, de reproduire.

D'intéressants comportements qui interfèrent avec des notions comme la construction notamment de la pensée différée et de l'inhibition, de la prise de distance avec le réalisme. Tout le monde est content : la compagnie parce qu'elle réussit son pari d'intéresser les tout petits, les enfants qui sortent avec une bouille réjouie, les parents et accompagnants qui ont l'impression d'avoir vécu un moment peu banal pour leur enfant, et... le vieux psychologue qui aimerait avoir filmé les réactions de ce jeune public pour illustrer ses conférences et formations autour de l'accompagnement des jeunes au théâtre. Bravo !

A noter que la même compagnie propose également TOUR DE VOIX (toujours à partir de 6 mois) et DETOURS à partir de 3 ans.

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A2PAS2LAPORTE (Collectif Label Brut / Laurent Fraunié) - 6 ans et plus

Passer une porte, haute, impressionnante, pour découvrir quoi derrière ? La symbolique est belle : franchir les obstacles fait grandir mais n'est pas sans risque, sans peur.

Les péripéties visuelles remplacent les mots, le burlesque l'emporte sur les moments de tension, même s'ils sont bien présents. Bref, malgré quelques moments où le rythme baisse un peu, la tentative est belle et mérite d'être encouragée. D'autant qu'au-delà de la prestation convaincante du comédien, pas mal d'éléments du spectacle participent à l'initiation aux signes théâtraux.

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C'EST QUAND QU'ON VA OÙ ? (Cirque Galapiat) - Tous publics

Même si quelques performances circassiennes de bon niveau sont à signaler, ce n'est pas là l'essentiel. Elles sont au service d'une histoire qui évoque la vie de ceux qui naissent et vivent au sein de la grande famille du cirque et ne connaissent donc que l'odeur de la caravane et du chapiteau à monter et démonter au fil du voyage. De la naissance à la mort, ils seront "les pieds dans la boue, la tête dans les étoiles".

Complicité, solidarité, rivalité, équilibre précaire... il y a beaucoup de tendresse et d'émotion dans l'histoire que les quatre comédiens nous racontent en images, en musique, en jeu acrobatique et en poésie. Une vraie et profonde empathie naît et se développe jusqu'à l'envol final pour ces quatre saltimbanques capables de rebondir (aux sens propre et figuré) dans leur parcours parsemé à la fois d'instants heureux et d'obstacles de tous ordres...

Tous ces éléments concourent à une vraie et belle écriture qui fait souvent défaut dans d'autres spectacles du même genre

Coup de coeur ! Je recommande chaleureusement.



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BIENVENUE (Red Cardell et invités) - 8 ans et plus

Ça swingue, ça rocke, ça balance... avec des tonalités métissées de "musique du monde" puisque 5 invités venant d'un peu partout donnent une couleur assez différente de ce que le groupe Red Cardell offre d'habitude aux jeunes durant ses concerts. Et en prime une partie du show a été coécrit par l'auteure dramatique bien connue Karin Serres.

Dire qu'à titre personnel ce genre de concert me passionne serait mentir, mais j'en reconnais les qualités musicales et l'absence de démagogie ou d'effets racoleurs. Ce qui n'est déjà pas mal.

J'approuve et recommande.

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L'ENFANT CACHÉ DANS L'ENCRIER (Collectif Râ / Théâtre en chemin) - 8 ans et plus

Bon, soyons sincère : ce n'est pas mon texte préféré de Joël Jouanneau, par ailleurs grand auteur pour la jeunesse. Mais je me suis laissé emporter par la performance scénique de Dominique Richard, intriguant dans le prologue puis excellent passeur de cette histoire racontée dans une langue à la grammaire très singulière. Spectacle ludique brassant pas mal de thématiques concourantes, à commencer par la solitude à rompre à tout prix pour ne pas sombrer dans la mélancolie de l'absence de partage...

Et je reconnais volontiers un taux d'écoute et de réactions appropriées assez impressionnant de la part des jeunes présents à la même séance que moi.

Bref, mon avis est franchement positif malgré de petites réserves.

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AUSSI LOIN QUE LA LUNE (Collectif Les becs verseurs / Marina Le Guennec) - 7 ans et plus

J'aime le théâtre d'objets de Marina Le Guennec ; j'aime l'écriture multiple de Sylvain Levey. Depuis la présentation du projet l'an dernier, j'attendais beaucoup de cette rencontre. Bien que reconnaissant une incontestable recherche d'originalité dans la construction du spectacle, la mise en scène et le jeu, je n'ai pas trouvé tout le plaisir et l'intérêt que je pressentais.

Je préfère donc me laisser l'occasion de revoir le spectacle avant d'en parler plus longuement.

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LE GARÇON A LA VALISE (Cie de Louise) - à partir de 9/10 ans

J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt le développement d'un des précédents projets de la compagnie, déjà sur un texte de Mike Kenny : Allez Ollie à l'eau ! Ici, dans une pièce vieille d'une douzaine d'années et pourtant plus d'actualité que jamais, le même auteur anglais nous parle des sept étapes du parcours d'un jeune pour aller de chez lui, un pays en guerre dont ses parents veulent l'exfiltrer, à la ville de Londres où le grand frère est censé avoir trouvé bonheur et bien-être.

On retrouve bien sûr les vicissitudes habituelles de ce parcours du combattant à la merci des passeurs sans scrupules et des exploiteurs de tous ordres. Avec en toile de fond les aventures de Sinbad le marin, Nafi - un temps accompagné par Krysia - apprendra la dure réalité d'un monde qui hélas ne va pas en s'améliorant.

Un spectacle évident, sans effet particulier, et pourtant d'une grande efficacité pour sensibiliser les jeunes à un des problèmes majeurs hantant aujourd'hui tous les foyers à travers les médias, ce qui n'ira hélas sans doute qu'en s'amplifiant dans les prochaines années.

Je recommande chaleureusement.

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LA NUIT OÙ LE JOUR S'EST LEVÉ (Théâtre du Phare / Olivier Letellier) - 10 ans et plus

C'est l'histoire simple et vraie d'une jeune femme française qui part à l'aventure au Brésil sur un coup de tête et en reviendra, bravant la loi de son pays, avec un enfant adopté caché sous ses jupes. Tout tient donc en trois éléments. D'une part l'écriture des péripéties par un "chœur" de trois auteurs : Sylvain Levey, Catherine Verlaguet et Magali Mougel. Ensuite le choix de confier à trois hommes le soin de nous faire vivre le récit palpitant de cette jeune femme. Enfin la mise en scène centrée sur le renouvellement de la tension au fil du passage au mensonge et à l'illégalité, jusqu'au happy-end final annoncé d'entrée de jeu. Une tension qui visiblement touche les spectateurs de tous âges, renforcée sans doute encore par le rôle omniprésent d'une Roue Cyr (cerceau à taille humaine) manipulée avec justesse et talent.

Une histoire où l'amour, la fraternité, la solidarité et quelques entorses à la légalité permettront à un enfant abandonné de sortir de son destin prévisible, d'un orphelinat à l'autre avant de se retrouver, adolescent ou jeune adulte, livré à lui-même dans une favela.

On est souvent sur le fil du rasoir, à la limite de la crispation et du "trop". Mais jamais on ne franchit cette limite. Bravo à toute l'équipe !

À recommander, notamment en famille pour le propos, la théâtralité, le jeu !

mardi 15 novembre 2016

TRAVERSEE / Une pièce d'Estelle Savasta mise en scène par Milena Buziak


Je connaissais le texte TRAVERSEE, d'Estelle Savasta et avait vu sa propre mise en scène. J'étais donc curieux de voir ce que Milena Buziak (découverte avec LA FEMME CORBEAU, de Marcel Cremer) et son assistante Anne-Sophie Tougas avaient fait de cette pièce émouvante. Le résultat est à la hauteur des attentes.

Le thème évidemment est plus que jamais d'actualité : l'exil, les souffrances du voyage, la difficile adaptation en terre étrangère, le doute et la crainte d'être renvoyé(e), la nécessaire reconstruction et le poids de ce qu'on n'a pas pu emporter avec soi...

Les deux comédiennes (Hodan Youssouf et Florence Blain Mbaye) racontent cette histoire respectivement en français et dans la langue des signes. Tantôt ensemble, tantôt en alternance puis en (ef)fusion. Car les signes se finissent souvent en gestes de tendresse et d'encouragement.
Bref, malgré quelques petits détails qui pourraient encore être améliorés, je recommande chaleureusement pour tous publics à partir de 8 ans.

jeudi 10 novembre 2016

LE FILS DE JEAN (Un film de Philippe Lioret)


Une fois n'est pas coutume : c'est d'un film (franco-québécois) que je parlerai. J'ai été touché par l'histoire toute simple de Mathieu. A 33 ans, il apprend à Paris que son père (dont il a tout ignoré jusque là) vient de mourir au Québec. Et accessoirement qu'il a deux frères. Il prend l'avion pour assister aux funérailles, tout en sachant que tous, là-bas, ignorent jusqu'à son existence... sauf le vieil ami-complice de son père qui l'a prévenu.
Ce qui m'a beaucoup touché dans ce film, c'est l'humanité des personnages et la retenue avec laquelle ils s'expriment. Pas d'éclats, pas de débordements de sentiments. Tout est dans le (presque) non-dit, au sens propre comme au figuré. Les gros plans sur les visages et les mains en disent parfois bien plus que les mots.
Par petites bribes, ce sont des vies - grises - qui se révèlent, qui se croisent, qui se racontent. Ni noires, ni blanches, juste comme dans la réalité de millions de gens au bonheur mitigé et aux rêves quelque peu écornés, sans que pour autant ils en fassent un drame. 
Rien de bien spectaculaire, pas de pathos non plus. Le récit de deux journées qui vont sans doute compter dans la vie de Mathieu... mais aussi dans celle des membres de la famille qui l'accueille. Et on se prend à imaginer quelques rayons de soleil à venir.

Les atouts : une découverte progressive de nouveaux enjeux, en même temps que ne le fait Mathieu à travers des indices intelligemment semés au fil du récit ; une émotion vraie, des sentiments positifs et chaleureux ; et une interprétation terriblement efficace de vérité par une excellente brochette de comédiens, donc Gabriel Arcand, Marie-Thèrèse Fortin, Pierre Deladonchamps, Catherine de Léan, Patrick Hivon et Pierre-Yves Cardinal.

J'ai beaucoup aimé et, bien sûr, je recommande !

(Vu à Montréal au Cinéma Impérial dans le cadre du festival CINEMANIA. Merci à l'ami Pierre Lavoie de m'avoir incité à l'accompagner)

Philippe Lioret, réalisateur du film LE FILS DE JEAN

vendredi 14 octobre 2016

Ô TOI QUE J'AIME (Fida Mohissen et la cie Gilgamesh)


Ce vendredi 14 matin, au Théâtre de Poche à Bruxelles, lecture-présentation d'un projet de spectacle développé par Fida Mohissen et la Cie Gilgamesh (Syrie/France). Un travail de longue haleine déjà entrevu à Avignon l'an dernier et qui se poursuit lentement mais sûrement. Création sans doute au cours de la saison 2017-2018. Encore en recherche de coproductions et de pré-achats bien sûr. C'était bien intéressant malgré les zones d'ombres qui persistent pour l'instant puisque toute la pièce n'a pas été révélée (et est encore partiellement en écriture). Bon vent à ce projet "Ô toi que j'aime ou Le récit d'une apocalypse" (titre provisoire).
Lecture par Fida Mohissen, Clea Petrolesi, Tewfik Jallab et Amandine du Rivau.

lundi 19 septembre 2016

LA GRANDE GYNANDRE / Cie de l'Ovale

Mon collègue de la CITF, Denis Alber, m'a proposé de le rejoindre à Monthey où sa compagnie donnait un spectacle à partir de l'oeuvre d'une auteure valaisanne Pierrette Micheloud. Je n'en avais jamais entendu parler. Et les récitals de poésie, j'avoue que... 

Il a réussi à me convaincre quand il m'a dit qu'ils étaient trois chanteurs-musiciens-comédiens (dont Pascal Rinaldi que j'avais vu sur scène il y a... ouh !) à présenter ce spectacle LA GRANDE GYNANDRE. Qui plus est dans un bus ! Ma curiosité m'a toujours bien aidé dans la vie. 

Pendant cette petite heure, en compagnie de deux classes d'étudiants, j'ai découvert l'univers de cette auteure qui m'est devenue familière au fil de cette petite heure durant laquelle on ne voit pas le temps passer. Il faut dire qu'entre les textes et chansons, on l'entend parler d'elle, de son regard sur le monde, et que l'on comprend bien davantage ensuite la portée de ses textes. Car elle dit des choses à la fois simples, profondes et naïves, avec un sens de la formule qui fait mouche : "Je veux des mots qui ne restent pas plus que la neige" / "On dit que la vague efface la vague..." / "Il ne faut plus que les hommes tuent, on a besoin de bras pour la charrue" / "Je suis une révoltée paisible" / "C'est nous qui sommes tout puissants, pas Dieu !" / "Chacun devrait pouvoir transformer son obscurité en lumière."


Il faut évidemment y ajouter la qualité du montage, de l'adaptation des textes, de la mise en musique et de l'interprétation collective aux harmonies riches et généreuses. Bravo à Edmée Fleury, Pascal Rinaldi et Denis Alber. Et la mise en scène est de l'ami Lorenzo Malaguerra, directeur du Crochetan.

Merci les amis pour cette découverte qui donne envie de se précipiter sur les ouvrages de Pierrette Micheloud et sur le site de la Fondation qui défend sa mémoire et son oeuvre.


Pour en savoir plus : www.compagniedelovale.com et www.fondation-micheloud.ch

vendredi 16 septembre 2016

IL FAUT LE BOIRE / Cie Ad-apte

Je mettais les pieds pour la première fois à SION (Suisse) à l'invitation de François Marin, directeur du Théâtre de Valère. Au programme ce soir-là, dans la cave voûtée, un spectacle "cabaret" de Philippe Soltermann : IL FAUT LE BOIRE. Tu restes ? Bon, une probable pochade sur le vin et les poivrots, j'hésite. Préjugés, quand tu nous tiens. Mais bon, allons-y puisqu'on est sur place. Eh bien, je n'ai pas regretté du tout d'avoir prolongé ma visite par ce spectacle.

Oui, il est question d'une soirée très arrosée, au point d'en oublier exactement comment on en est arrivé là. Mais finalement, c'est davantage des petits bleus au coeur dont il est question. De vies mornes, faites de routines et de déceptions que l'on compense par un petit coup (de blanc plaidera un des personnages, que de blanc !). De couples chavirants aussi, d'absence d'amour et de tendresse. 

Ce qui commence par un gros après de beuverie se termine par... un regard singulier sur Brel et son monceau de "i" à "ami". Je n'en dis pas plus mais c'est un moment d'anthologie. Car chaque comédien a évidemment ses moments de gloire que tous assument avec des talents variés mais bien réels. De belles personnalités !

J'ai ri, mais surtout j'ai pris en pleine figure les moments d'émotion qui arrivent sans crier gare. Je recommande chaleureusement pour un large public populaire qui pourra ainsi comprendre la différence entre la gaudriole facile et le vrai café-théâtre, toujours sur le fil de mauvais goût, mais qui n'y tombe jamais !